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IDIR : Chasseur de lumières - Hommage par Frank Tenaille

« Le doux et malicieux Idir, 70 ans, s’en est allé vers les neiges des monts du Djurjura... »

Le Chantier - Centre de création des musiques du monde rend hommage au chanteur, auteur, compositeur et musicien algérien d’expression kabyle, Idir, via ce magnifique texte de notre directeur artistique, Frank Tenaille :

 

IDIR : CHASSEUR DE LUMIERES

Le doux et malicieux Idir, 70 ans, s’en est allé vers les neiges des
monts du Djurjura. Un pays de légendes et de veillées dans lesquelles le
verbe fait merveille. Une ruralité secrète où la frugalité, le respect
de la terre et de l’autre, font philosophie. Doux et placide tant peu
d’artistes auront fait carrière avec autant d’humilité mais aussi de
tranquille persévérance. Car tout de même, de l’importance d’un Dylan
pour le folk, d’un Bob Marley pour le reggae, d’un Féla Kuti pour l’Afro
Beat ou d’une Myriam Makeba pour l’Afrique du Sud, le natif d’Aït
Lahcène aura fait connaître la culture diasporique berbère au monde
entier. Les Berbères ou Amazighs (imazighen signifiant hommes libres)
formant cette mosaïque de peuples qui court de l’ouest de l’Egypte aux
Baléares et du Tchad au nord de la Méditerranée, avec une arborescence
de la langue tamazight (chaoui, chleuh, rifain, mozabite, touareg, etc).
Toute son aventure débutant avec le titre d’un 45 tours qui au début
des années 70 se répand sur les ondes internationales et dont l’auteur
découvrira l’impact à la radio alors qu’il effectue deux ans de service
militaire. « A Vava Inouva » (Mon Petit Papa), qu’il compose avec
Mohamed Ben Hamadouche, avant d’être un tube planétaire diffusé dans une
centaine de pays et vingt langues, s’inspirant d’un conte ancien, « A
Baba inuba ». Son inspiration est clairement bucolique. « Le vieux
enroulé dans son burnous/ A l’écart se chauffe /Son fils soucieux de son
gagne pain /Passe en revue les jours du lendemain / La bru derrière le
métier à tisser/ Sans cesse remonte les tendeurs / Les enfants autour de
la vieille/ S’instruisent des choses d’antan /(...) La neige s’est
entassée contre la porte/ l’ « ihlulen » bout dans la marmite / La
tajmaât rêve déjà au printemps / La lune et les étoiles demeurent
claustrées La bûche de chêne remplace les claies / La famille rassemblée
prête l’oreille au conte (...) Je t’en prie père Inouba ouvre-moi la
porte / O fille Ghriba fais tinter tes bracelets / Je crains l’ogre de
la forêt père Inouba/ O fille Ghriba je le crains aussi. »
L’orchestration, tendance Joan Baez, en est simple : guitares
acoustiques et voix, mais on y perçoit la dynamique du premier
instrument d’Idir, la flûte de berger. Monté à Paris pour poursuivre des
études de géologue, il enregistre son premier 33 tours à la demande de
Pathé-Marconi. Il y restera désormais ne donnant pas suite un projet de
métier dans l’industrie pétrolière. C’est qu’entre temps aussi le
pouvoir algérien, cédant aux sirènes du fondamentalisme, imposera
l’arabisation, niant les particularismes culturels de l’Algérie et
réprimant les révoltes récurrentes du peuple kabyle. Or la question de
l’arabité et de la place politique de la religion, couplée au statut
minoré de la Kabylie (qui prit une part essentielle dans la lutte de
libération nationale), fait clivage quand elle ne fait pas des morts
comme durant les années noires des années 90. Aussi Idir ne reviendra
t’il chanter en Algérie que début janvier 2018 (date qui coïncide pour
le nouvel an berbère Yennayer) au moment où le tamazight devient langue
officielle, bien qu’encore non nationale comme cela est le cas au Maroc.
« Je suis un Algérien comme un autre qui veut simplement avoir la
panoplie complète du parfait petit Algérien avec la dimension amazighe
qui existe, disait-il avec son joli sourire. Dans la constitution, il
est dit que l’Algérie est un pays arabe. Pour ma part, je dis que
l’Algérie est un pays où vivent des arabophones, des berbérophones, des
francophones, des juifs, des chrétiens… Et que l’État n’a pas à avoir de
religion (...) J’ai grandi dans une société matriarcale. Je veux un
monde d’égaux ». Moins clivant que les autres grandes icones de la
chanson kabyle (Malika Domrane, Lounes Matoub, Aït Menguellet, Ferhat),
et bien avant la vague de la Word Music, Idir avait compris que la
chanson était tout à la fois moyen de communication, espace
d’affirmation identitaire, vecteur de diversité. Le pays, la liberté,
l’exil, l’amour, le patrimoine culturel immatériel, étant les thèmes de
ses chansons, déclinées à son rythme, tant il était rétif aux
injonctions du show-biz. Pour autant, homme fédérateur, il n’aura de
cesse de croiser sa culture avec d’autres, à travers nombre de duos (Dan
Ar Braz, Maxime le Forestier, Zebda, Gilles Servat, Thierry Robin,
Karen Matheson, Manu Chao, Akhenaton, Jean-Jacques Goldman, Khaled, Cheb
Mami, Tiken Jah Fakoly, Cabrel, Aznavour...). Soit l’illustration en
actes de la fameuse phrase du poète portugais, Miguel Torga : « 
L’universel c’est le local moins les murs ». Par Frank Tenaille

 

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